pour les nuls

À l’attention de cette clique ecclésiastique qui lit sa Bible comme un musulman lit son Coran.

Et à l’attention des autruches savantes qui cachent l’immortalité de la conscience individuelle derrière l’atome et le vide.

La Loi

La Loi est spirituelle mais n’est pas divine.
Sa mission : conduire l’humanité sur ses sommets
d'où elle nous met en échec et nous jette dans le vide.

par Ivsan Otets

La Loi que le judaïsme a donnée à l’humanité est sans équivalent. C’est un coup de génie. Le talent juif réside dans sa capacité à épurer, puis à synthétiser et enfin à récapituler des données éparses. Un peuple minime recueille siècles après siècles les matériaux de la Mésopotamie et de l’Égypte antiques, retravaille l’ensemble avec patience, y insère son souffle et sa vision, puis formule au Sinaï sa propre Loi et son monothéisme. Et en peu de temps le modèle démontre une telle avance et une telle capacité didactique qu’il renvoie les vieilles « révélations » dans l’archaïsme. Aimée et haïe, la Thora sera dès lors forcée à l’intelligence de l’écoute, au consensus. Il lui faudra reconnaître ceux qui ailleurs manifestent aussi cette aptitude du chercheur : ceux qui mettent en question. Je pense au monde grec ; et je pense aussi à cette thora assouplie, « pour les Nations », que l’Église inventa en plaçant le Nazaréen sur le Sinaï. C’est de cette manière que la Loi juive devint le judéo-christianisme hellénisé. Et de là naîtra l’Occident que l’Histoire regarde comme une locomotive pour le progrès par jugement des Nations.

La Loi possède donc tous les talents inhérents à la Raison : créativité de la conscience, plasticité du progrès, rigueur logique. Elle est sa couronne. Elle conserve néanmoins la transcendance de Dieu, alors que les Lumières imaginent tous les hommes capables d’obéir à la Loi sans l’aide d’une menace métaphysique. Or la Raison règne sur le Monde puisqu’il lui a été donné. C’est pourquoi le NT associe la chute de la Loi à la fin du Monde (Mt 518). Sans lois, les civilisations, la Terre et tout l’Univers s’écroulent ; car la Raison est une armée de lois tenant la réalité hors du chaos. Le NT explique ainsi que la Thora fut donnée par les Anges (Ac 753, Ga 319, Héb 22) ; car le système angélique est ici une allégorie de la Raison, de sa mécanique judiciaire avec ses lois scientifico-morales. Hélas, ce Système est tout autant splendeur que fiasco ! Il perfectionne l’homme pour le livrer à la mort, puis là-bas il lui redemande éternellement sa dette logico-morale. C’est ainsi que la Loi est un échec voulu par Dieu ; afin que le Christ puisse être ainsi entendu : « Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront point. » (Mc 1331). Le Christ a vaincu là où la Loi a échoué : l’homme passe, mais le Christ peut annuler sa dette envers la Loi, gratuitement, puis le ressusciter dans un Royaume où la raison le servira.


LA LOI | Deux mots sur la Loi : 9mn53s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› Resserré est le chemin
›› Paul et la Loi
›› Le Sermon sur la montagne 1/3

Les Anges

Dieu nous égare par les anges
afin de nous conduire vers une vérité
que les anges et les démons croient hérétique.

par Ivsan Otets

Le phénomène angélique est fondamentalement un mensonge. Non seulement par nature mais par mission. Toute liberté d’« être » ou de « faire » à sa guise lui a donc été ôtée. L’ange est une créature programmée. Sa remarquable efficacité est pourtant ailleurs. Les anges sont puissants parce qu’ils sont « la vérité » en tant qu’ils sont la vérité réaliste, c’est-à-dire l’évidence concrètement vérifiable et irréfutable. Ils sont l’absolu, l’invariabilité. Ils incarnent les lois éternelles organisant notre réel et hors desquelles nous tombons dans le chaos. L’armée angélique est cette remarquable toile logique structurant le vivant et ses forces sont les colonnes de l’Univers. C’est sur ce roc séraphique et à la lueur de cette science que les mouvements de nos humbles vies sont encadrés. Le mensonge angélique est sel de la terre et lumière du monde. Toutes les religions y voient néanmoins la Vérité : Le bonheur ici-bas est d’obéir à la Loi divine ; et le salut est là-bas de fusionner en elles, vidé de sa liberté mais béat, aux pieds de l’imposture des anges.

Une lecture biblique primaire conduit à la même banalité. « Révère l’ange car ma divinité est en lui » proclame Dieu dans l’AT, tel un leitmotiv (cf. Ex 2321). Et le NT reste fidèle à cela. « Des séraphins aux six ailes remplis d’yeux se tiennent au milieu et autour du trône de Dieu » (Apo 46-8) ; puis une flopée de terrifiantes créatures sortent du divin Temple, y compris l’ange de la mort (cf. 1417). L’Écriture nous présente un Dieu-Anges, justicier des armées : Yahvé-Élohim. Dès le commencement d’ailleurs alors que Dieu plante l’arbre de la science au cœur de la Création ; c’est-à-dire le phénomène angélique. La Raison avec ses vérités sur le bien et le mal régnera sur le Monde ! Mais des vérités qui, en émanant du même arbre, sont l’Un par dualité — anges et démons en même temps — tout dépend de l’usage qu’on en fera et de l’intelligence qu’on aura de ce système fantasque. La clef est dans l’explication, la révélation dira-t-on. L’ange, c’est l’explication : le dogme. Un pis aller quand on ne peut vivre sans explications. L’ange est l’éducateur, le tuteur qui codifie la vie des êtres immatures en les menaçant de jugement. Il a fallu le Christ pour voir la maturité, pour vivre par la foi et abandonner l’ange qui veut que l’être se justifie ; et pour enfin entendre : « Comme je suis la vérité, tu seras la vérité mon fils, et ainsi tu jugeras les anges. » (cf. 1Cor 63)


LES ANGES | Deux mots sur les anges : 8mn47s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› Écris à l’ange
›› La prière 2/3 · Théurgie

La Foi

La Foi est ce qu’aucune religion ne possède
tandis qu’elles se perdent toutes en l’imitant.

par Ivsan Otets

Aucun homme ne peut avoir la foi. Nous en sommes tous absolument incapables. C’est pourquoi il existe de nombreux substituts à la foi, de l’ersatz au placebo en passant par différentes techniques de suggestion. Les uns font vibrer les cordes de la rationalité, d’autres celle de la mystique et les derniers combinent l’ensemble en parlant de sciences nouvelles. Le religieux navigue ici et là, se cherchant aux vents de ces actualités et de ces cultures. Car la foi touche au cœur et à l’essence de l’homme, c’est-à-dire à sa volonté, et de fait à notre liberté. Or, la foi, en tant qu’elle signifie que « rien n’est impossible », est une nature inaccessible à l’humain. La foi est une nature de l’être, mais d’un Autre-être. Et elle est fondamentalement la nature de Dieu. C’est ainsi que le NT parle d’« avoir la foi de Dieu » (Marc 1122 ad litteram). La foi signifie « avoir la nature de Dieu ». Aussi est-il possible d’aimer passionnément Dieu, mais cet amour n’est pas la foi. La foi est l’instant où Dieu répond favorablement à cet amour en faisant naître de cet homme un homme-à-venir : un Ressuscité.

Le paradoxe est terrible. Dieu me dit « oui » tout en ajoutant : « Pas encore. » Je suis donc « un raté » – littéralement, un pécheur – quand je suis en dehors de son « oui », c’est-à-dire en dehors du miracle de la foi ou au moins de son inspiration. Dans la langue de Paul, cela se dit : « Tout ce qui ne vient pas de la foi est péché. » (Rom 1423). Et l’explication suit simplement ainsi : « Le contraire du péché n’est pas la vertu, mais la foi. » (Kierkegaard). Il ne peut y avoir pire inconfort pour un homme ! De là sont venues les pirouettes religieuses ; on instille le venin de la raison et de la volonté humaine dans la foi, c’est-à-dire qu’on l’associe à l’acte moral ou à l’héroïsme des saints. Et de là vient aussi le doute qui anima les plus grands, je pense à Jean le Baptiste, ou encore à Élie, et plus étrangement au Christ lui-même. Car il y a moins de foi à produire du miracle qu’à dire, les bras et les jambes crucifiés par la réalité : « Je t’aime mon Dieu bien que tout me crie que tu m’as abandonné. » La foi, c’est quand on aime encore Dieu sur son lit de douleurs, au sein de son angoisse et jusqu’au fond de son cercueil. N’est-ce pas ainsi que vient la résurrection ? La fin des « pas encore ».


LA FOI | Deux mots sur la foi : 17mn44s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› La foi en l’impossible
›› Le subterfuge

La Raison

La Raison est ce qui est le plus étranger à Dieu
tout en parvenant à l’imiter au mieux.

par Ivsan Otets

La Raison est la plus haute intuition de Dieu qu’il soit possible d’avoir. Une intuition d’où émerge d’abord l’homme religieux, mais qui correspond au fond à notre désir de liberté absolue et de pouvoir contrôler totalement la vie. Cette appétence naturelle nous pousse à questionner Dieu ainsi : « Quel est ton nom ? » (Ex 313). Car l’homme religieux veut s’emparer du Nom divin en tant qu’objet magique par excellence qui le fera maître du Monde. Mais lorsqu’il découvre ensuite l’arbre de la Raison, il est émerveillé jusqu’à l’extase. La symbiose « raison-morale » est pour lui la véritable puissance offerte à l’humanité afin de lui donner l’autorité suprême. N’est-ce pas ainsi que le divin nous sépare de l’animalité, par un lumineux anoblissement ? Sans aucun doute ! C’est pourquoi Dieu plaça dès l’origine cet arbre majestueux dans notre jardin intérieur. Aussi est-il fort étrange qu’il nous ait après coup maudit de nous en nourrir. N’est-ce pas plutôt parce que l’arbre ne tenait pas ses promesses ?

Par la Raison, l’être-vivant que nous sommes se mue petit à petit en conscience. L’arbre magique fait de l’âme-vivante une conscience. Car sitôt notre liberté découverte elle nous est volée. En effet, l’obéissance due à la raison n’a dramatiquement plus rien à voir avec l’obéissance que l’animal doit à son « flair ». Ce dernier obéit à la vie physique et concrète tandis qu’il nous faut obéir à un ordre métaphysique et abstrait. Qu’importe si nos équations intellectuelles expliquent si souvent la réalité charnelle, car nous quittons en vérité le mode de vie du vivant. Nous passons dans un autre monde. Bien davantage — car si l’âme vivante qu’est aussi l’animal disparaît à sa mort, il n’en est pas de même pour nous. Le contenu de notre « âme vivante » est aspiré par la conscience que la raison ici-bas forge en nous. La conscience vide notre âme en absorbant toute notre histoire, tout notre cheminement : notre identité. Nous devenons à notre mort une conscience pleinement consciente d’avoir eu la vie qui est désormais inaccessible ; nous devenons des morts-vivants. La raison accomplit ainsi le plus grand des pillages pour le plus grand des malheurs tandis que le sage ne voit plus Dieu ! Seuls les fous sont alors poussés vers la résurrection, vers l’autre arbre, l’arbre de la Vie. Là où la vie justifie la vie et ne rend plus compte aux consciences.


LA RAISON | Deux mots sur la raison : 10mn08s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› La maturité spirituelle
›› Éloge de la raison



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