pour les nuls

À l’attention de cette clique ecclésiastique qui lit sa Bible comme un musulman lit son Coran.

Et à l’attention des autruches savantes qui cachent l’immortalité de la conscience individuelle derrière l’atome et le vide.

Le Royaume de Dieu

La victoire de Dieu consiste à ne plus régner,
c’est pourquoi le Royaume de Dieu
est le non-règne de Dieu.

par Ivsan Otets

Le thème du « royaume de Dieu » est le dernier chapitre des réflexions laissées par le Christ dans les Évangiles. Le premier chapitre est d’ordre éthico-religieux et s’appuie sur la Thora. Il vise la foule où l’individu n’existe que virtuellement. Car l’homme est là-bas soudé au collectif en investissant celui-ci d’une valeur spirituelle. Son identité correspond donc à son statut de membre d’un corps collectif théorique mais divinisé. Vient ensuite le discours sur la foi lorsque de l’homme veut naître le fils de l’homme libéré du holisme communautaire. L’individu est alors écartelé entre le dieu-Un mécanique du collectif et le Père qui l’appelle à une rencontre personnelle. Beaucoup d’enfants meurent ici sans jamais atteindre la maturité. Enfin, le troisième chapitre concerne la Résurrection où l’« appel » des seconds se transforme en « élection » grâce à une maturité réussie. Les fils de l’homme ne sont plus ici les membres d’un corps mythique car chacun est en soi un corps-spirituel ; leur spiritualité est ainsi cachée et ne s’incarnera que dans la résurrection : dans le « royaume de Dieu ». Mais le Christ évoque ici sa réalité post-mortem et non un règne divin au sens politico-social. Il y a donc malentendu. Cela se produit en expliquant la résurrection au prisme du premier chapitre sur la Thora dont l’empire se veut terrestre ; et notamment en identifiant le Christ au roi-messie davidique : ce qu’il n’est pas ! Car entre le Ier et le IIIe discours, le Christ brise le sceptre des dieux-Un et leur corps-temple ou collectif-divin ; il leur retire le règne et le donne aux Uns-dividus.

C’est ici que nous retrouvons l’offensant propos du Christ qui en parlant de sa résurrection annonce qu’il « détruira les temples des dieux-Un pour en trois jours les relever dans l’Un-dividu » (voir Jn 219). Puis nous le voyons ailleurs faire l’exégèse de ce qu’il vient de dire : « Le royaume de Dieu est en vous » (Luc 1721 ad litteram). La vieille dispute entre l’Un et le Multiple ressurgit et le Christ la résout définitivement en donnant le règne au multiple : à chaque-Un. Tandis que toutes les religions brident l’existence au nom du monstre-Un et de son égotiste Unité pour qui l’existence individuelle est un blasphème, le Christ estime lui qu’il faut trop exister ! Au point même pour Lui de ne pas avoir honte d’être roi de sa réalité et d’avoir un royaume ; c’est-à-dire de commander aux lois de la raison jusqu’à être maître de l’espace et du temps. Pourquoi donc le Christ parla si peu de ce « monde-à-venir » ? Parce qu’il concerne en vérité la Nature des fils de l’homme et non la construction d’une politique ou d’une cité céleste. Il eut été indécent de dévoiler ainsi sur la place publique la nature des Rois. On ne dénude pas les Rois. Soit donc, que celui qui le devient le devienne encore. Et pour les autres : l’appel ne s’est pas encore tu.


LE ROYAUME DE DIEU | Deux mots sur le Royaume de Dieu : 9mn29s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› Sur l’Église
›› À propos de l’infini
›› Bereshit bara Elohim

Le Retour du Messie

Le dogme de la seconde venue du Christ
n’est qu’une séquelle du messianisme politique
établissant un royaume de vainqueurs sur terre.

par Dianitsa Otets

Jésus ne revient pas car Dieu a fait ce qu’il avait à faire il y a 2000 ans : il est mort et il a ressuscité. Tout ce qu’on y a ajouté n’est qu’une variation sur les thèmes des alliances vétérotestamentaires : puissance collective, peuple régnant, vengeance, rétribution, ordre imposé… Quand Dieu s’incarne, en terre d’Israël à l’époque de l’occupation romaine, c’est pour dire aux hommes : « Tu n’as qu’une vie ici-bas, et moi j’ai le pouvoir de te ressusciter. » Le signal donné par la « dernière trompette » (I Cor 1552) censé manifester la seconde venue du Christ (1523) c’est le signal de la mort. De notre mort individuelle à chacun, lorsque notre heure est venue et en dehors de tout scénario apocalyptique. Ce signal des anges n’annonce pas la fin du monde mais la fin d’un monde — celui de l’homme qui meurt ; il n’inaugure pas l’effondrement du monde mais introduit la personne qui meurt dans l’au-delà, après l’effondrement de son monde personnel. Le Nazaréen ne reviendra pas comme un éclair aux yeux de tous (interprétation de Luc 1724), car sa venue était déjà comme l’éclair : trois jours. Il n’était pas venu pour enseigner et guérir, mais pour mourir et ressusciter, ce qu’il accomplit en trois jours. Plusieurs ont peut-être été capables d’imiter le ministère itinérant de Jésus tel qu’il est décrit dans les Évangiles — en accomplissant des miracles et en proférant des paroles de sagesse — mais aucun ne pourra jamais reproduire Sa mission de mourir et de ressusciter pour répondre à l’angoisse ultime de l’homme : l’angoisse face à sa mort. Et cette réponse de Dieu, ce n’était donc pas suffisant ? Il faudrait que le Fils de l’homme, ressuscité depuis 2000 ans, revienne ?

Mais quel serait le but d’un tel post-scriptum ? Glorifier des hommes ? Enfoncer le clou de sa divinité ? Réitérer le carnage du déluge ? Le Christ, nous le répétons souvent, n’est venu que pour l’homme, l’« individu particulier ». Certes, Son passage devait aussi provoquer la diffusion nécessaire des principes de la Torah dans le monde entier, à travers l’Église. Ces principes sont en effet un préalable à la foi. Mais puisqu’Il n’est somme toute venu que pour l’individu, le scénario collectif de la fin du monde n’a pas lieu d’être — car le Ressuscité est d’ores et déjà connu du monde, à tel point que Son passage sur terre marque l’avant et l’après des chronologies conventionnelles. En réalité, Il revient dans notre mort. Dans l’intimité angoissante de la mort, plus importante, pour chacun, qu’aucun avènement planétaire. Par ailleurs, le Christ se tient en dehors de toutes les historiographies — aussi bien celles qui annoncent une fin du monde que celles des éternels recommencements, malgré le fait qu’on L’ait inséré dans certaines prophéties messianiques de Jugement dernier.


LE RETOUR DU CHRIST | Deux mots sur le retour du Christ : 11mn07s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› Quand doit arriver le Messie ?
›› Fils de David ?
›› Unité VS Liberté

La Conversion

Toute conversion vue comme un fait ponctuel
est une supercherie car la conversion
est l’événement de toute la vie.

par Ivsan Otets

La conversion est l’entrée dans une pensée devenue folle. C’est pourquoi l’habituelle explication par une racine grecque pour parler du phénomène de conversion est fallacieuse. Car le « repentir » qui en grec est métanoïa ne signifie pas « changer de mentalité » mais « au-delà de l’intelligence » (meta-noûs). Lorsque la conversion aboutit à modifier ses mœurs et son comportement, elle ne conduit somme toute qu’à passer dans une autre catégorie au sein de la même vie. La logique du travail remplace celle du vol ou la logique altruiste celle de l’égoïsme, etc. C’est une idée commune à toute religion et à tout humanisme, et c’est somme toute de la psychologie de base. On « retourne » l’individu en terme de progrès, par une certaine prise de conscience, dans le cadre de certaines lois morales. C’est ainsi que des cas de « nouvelles naissances » fulgurantes sont visibles dans l’athéisme comme dans le christianisme. La clef de démarrage change mais non le but ni le fondement : construire un homme social, juste et vertueux. Dieu serait donc venu nous apprendre une chose que nous sommes tout à fait capables de bâtir nous-mêmes ? Je n’y crois pas une minute.

Paul est par contre intéressant lorsqu’il parle de « transformer l’intelligence afin de discerner la volonté de Dieu… » (cf Rom 122). Existe-t-il une façon de penser telle qu’elle me donne de savoir ce que Dieu veut ? Oups ! Je ne parle pas des tables de lois évoquées précédemment en vue du bonheur et de la justice ici-bas, mais je pense à cette autre réflexion de Paul quelques versets plus tôt : « Les décisions de Dieu sont insondables et ses chemins incompréhensibles ! » (cf Rom 1133). Chercher Dieu sous cet angle c’est dire que le bon vieux changement de mentalité ne vaut rien, pas plus que la gnose ou la théurgie de certains courants. Il est facile de se réveiller un beau matin en découvrant que Dieu existe et que si j’adopte tel comportement ou récite tel credo le ciel me comblera. Cette divinité-là n’est ni insondable ni incompréhensible et cette conversion-là, bien qu’utile, est en vérité intellectuelle et morale. Or le Christ nous montre que Dieu est imprévisible, c’est pourquoi Le suivre est une conversion qui renvoie à un changement de Nature. On ne comprend Dieu qu’en devenant comme Lui : en devenant son fils. Se convertir dure donc toute la vie, car naître un jour est le fait de l’ici-bas tandis qu’une vie entière ne suffit pas pour dire avec le Christ que « les décisions de Dieu ne sont plus un secret pour moi. » Nous somme bien ici dans un « au-delà de l’intelligence » où je connais Dieu par ressemblance parentale. Il s’ensuit que la conversion rend fou parce que sa « recherche commence par l’inquiétude et finit par le déséquilibre », pour citer Chestov.


LA CONVERSION | Deux mots sur la conversion : 16mn54s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› Deux mots sur la conversion
›› Le cordon ombilical

Le Péché

Le flou du vocable « péché » exprime
le péché du religieux qui ne sait pas ce qu’est
le péché vis-à-vis de Dieu.

par Ivsan Otets

Le mot « péché » est un mot magique, un fourre-tout permettant de sacraliser n’importe quelle réflexion quant aux rapports entre l’homme et le divin. Qu’est-ce que le péché ? « C’est la chair, la nature pécheresse de l’homme vouée à la destruction (1Cor 55) » dira le théologien. Mais que signifie concrètement « être un pécheur » ? Et le théologien de poursuivre : « C’est désobéir à la loi divine qui établit ce qu’est le bien et le mal. » – De là surgit la grande confusion. Car l’origine du péché selon l’Écriture fut justement d’avoir différencié le bien du mal ; de s’être nourri des fruits de l’arbre de la connaissance (Gen 2-3). La ruse théologique explique que le péché fut de « désobéir » à l’ordre divin interdisant la connaissance. Mais cet argument benêt ne clarifie en rien la cacophonie. Car Dieu interdit en Éden de distinguer le bien du mal ; puis il donne cette connaissance, au Sinaï. Un Dieu schizophrène : « Tu as péché dès l’origine car je ne voulais pas que tu distingues le bien du mal, et tu pèches maintenant car tu ne les distingues pas alors que je le veux. » Le théologien est manifestement un abruti qui ne saisit pas ce que dit l’Écriture.

Chestov est scandaleux lorsqu’il affirme que « c’est par la volonté divine que l’homme succomba à la tentation ». Paul dit pourtant exactement la même chose : « Dieu a emprisonné tous les hommes dans la désobéissance » (Rom 1132). Prenez l’animal et donnez lui conscience du bien et du mal. Il deviendra un animal-intelligent, l’Homo sapiens. Les siècles passant, sa supériorité le convaincra qu’il n’est en rien un animal. C’est faux. Brisez le mors des lois qui le domptent et aussitôt resurgit en lui l’animal sous forme d’un barbare-savant. Mais il ne le voit pas. Les fruits de sa connaissance l’ont envoûté. Il les croit divins. Il pense que ces lois étrangères à la bête le sanctifient et que Dieu le mue en une sorte d’ange ou d’avatar divin. C’est pourquoi Dieu le fait davantage succomber à la tentation ; il l’emprisonne encore plus dans l’impossibilité d’obéir aux Lois de la vertu. Il faut que l’individu se brise dans l’échec. Il lui faut découvrir que sa science morale ne fait qu’habiller le loup qu’il est en vêtements de brebis d’homme civilisé. Criera-t-il alors vers Dieu, enfin conscient d’être un raté ? Le chemin de l’arbre de Vie s’ouvrira-t-il devant lui ? Nul ne le sait. Les hommes sont comme l’argile du potier dont parle le prophète Jérémie (183-4). Tel vase se gâte dans la main du potier et finit en raté enflé de sagesse ; et tel autre parvient à l’impossible en devenant un Fils de l’homme. Et notre liberté n’a rien à voir ici, pas plus que l’argile qui est la même. Tout dépend du geste du potier ! De cette mystérieuse Élection vient que pour l’élu, le péché n’est pas décisif et son existence fantomatique ; seul pèse le choix de Dieu. Mais pour les ratés, l’attitude face au péché est tellement décisive qu’ils veillent sur sa connaissance à l’instar du serpent de l’Éden.


LE PÉCHÉ | Deux mots sur le péché : 12mn50s · par Ivsan & Dianitsa

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Pour aller plus loin

›› Le péché
›› Prêcher la Loi ou le Christ



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